L’aménagement de la zone géographique dite « ZAC St Martin » a été confié par la mairie de Mougins aux convoitises du promoteur ALTAREA dont le projet d’implantation d’une vaste zone commerciale soulève de considérables protestations dont celles, en particulier, de ceux qui craignent de voir un site archéologique, non encore exploité, totalement rasé, définitivement recouvert et oublié.
Cette zone est, en effet, connue depuis l’époque romaine, quand elle était une importante station routière sous le nom de Horrea ( qui signifie « greniers à blé » et aurait donné plus tard le nom provençal de Orri, mélange du roman Orri, horri, hueri et du latin horreum). Elle était alors accessible par une route majeure en provenance d’Antibes et de Vallauris, celle qui a dû croiser, justement à cet endroit, la vieille Voie Julia qui, de Vence, passait par le Brusc et Castellaras, aujourd’hui Route de Chateauneuf.
Elle a ensuite appartenu au Monastère St Victor de Marseille avant d’être échangée et remise au Monastère des Lérins en 1153. Mougins disposait alors de trois églises, l’actuelle St Jacques, Notre-Dame (qui deviendra ND de Vie) et St Martin (dont il ne reste que des ruines).
Au XVI ème siècle, on a commencé de construire, sur une parcelle de ce site, une petite bastide : le château de Curault, un bâtiment qui intéresse particulièrement les experts du patrimoine historique à cause de ses caves voûtées, sa cuisine encore dans son état d’origine (avec son tournebroche et ses lourds contrepoids), son histoire.
Aujourd’hui, cet espace est un terrain mal entretenu sur lequel se dresse encore le «château», auquel ont été collées récemment diverses constructions destinées au logement, le reste du terrain étant, lui, en friches alors que sous sa terre est enfoui un site archéologique dont on sait déjà avec certitude qu’y dorment des murs de l’époque romaine que les archéologues du Service Régional de la DRAC viennent de sonder, fouiller, analyser. Mais les détritus s’amoncellent… peut-être y a t-il quelque part une volonté de laisser ce terrain à l’abandon…et le permis de démolir ne saurait tarder.
Une poignée d’habitants férus de l’histoire et de l’archéologie de leur ville se sont depuis longtemps regroupés au sein du Cercle d’Histoire et d’Archéologie de Mougins et ont longtemps espéré que des fouilles sérieuses seraient entreprises avant que les bulldozers entrent dans la carrière ! Elles sont maintenant réalisées et confirment le grand intérêt patrimonial du site.
Divers éléments indiquent en effet que là, précisément, l’histoire, à différentes périodes de son cours, a laissé des traces :
- En 1890, une découverte majeure fut réalisée : le pied gauche et la main d’une statue de bronze, romaine, dont la hauteur fut évaluée à 280 cm. Des moulages ont été réalisés et exposés au musée d’histoire locale tandis que les originaux seraient encore entre les mains des propriétaires du château.
- Au même endroit, on avait exhumé, en 1875, deux tombes à pierres plates et tegulae avec squelettes et mobiliers guerriers en bronze.
- Autour du château, et récemment encore en grattant la terre, ont été trouvés des restes de poteries et de verrerie de l’époque romaine.
- A la fin des années 1940, le nouveau propriétaire du terrain mit en évidence une inscription funéraire qui s’était détachée des restes de l’abside de l’ancienne église St Martin.
- La cuisine XVIIème du château et les caves sont conservées en leur état d’origine
- Un four à pain a été démantelé lors de la construction de ces «annexes» au château.
Ses restes ont été jetés dans un puits situé sur le terrain.
Le 12 juillet 1952, Hubert Dumez, archéologue et historien de l’ « Equipe des Historiens Cannois », a publié un ouvrage fort documenté sur le passé romain de la région et à la page V du chapitre consacré au « Campus de Orreis à Mougins » se désole en ces termes :
« Tout cela n’aurait pas dû disparaître et nous nous estimerions heureux si, dans ce gîte du Planum (ndlr. : celui qui est aujourd’hui la ZAC St Martin) qui, par le site et l’étendue, nous paraît exceptionnel, mais où, hélas, on construit beaucoup en ce moment, des fouilles étaient promptement entreprises ou autorisées par les Services de l’Etat. »
Nous, les habitants du quartier St Martin, directement concernés par les effets désastreux qu’entraînera l’implantation de cette surface commerciale de 32.000 m2 dans une ville qui se targue d’être celle du prestige et du luxe, nous souhaitons reprendre les termes de M. Dumez, les réactualiser et demandons que tout soit entrepris pour sauvegarder puis animer le site de St Martin d’une manière qui prouve que le citoyen est d’abord conduit par ses élans d’être humain raisonnable et non pas l’esclave des diktats de financiers avides de gains aussi confortables que rapides.
Permettez-nous d’imaginer que les pages qui se sont tournées sur ce site ne soient jamais endeuillées par le bleu des façades de l’enseigne IKEA que le promoteur a prévu asseoir sur ce livre d’histoire et que, au contraire, aménagé, nos enfants y puissent découvrir le cours de leurs racines et s’y former pour construire un avenir meilleur.
Permettez-nous de rêver de l’état inverse de celui dont notre ville de Mougins veut nous gaver car la qualité de vie est trop sensible et trop rare pour avoir la force de traverser le béton et de résister aux assauts de la société de sur-consommation.
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